C’est à un public particulier que va s’adresser Hervé Le Corre, le 15 juin, au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan. Non pas parce que ce sont des détenus mais parce que voici deux mois maintenant que, dans le cadre de l’atelier d’écriture que je mène depuis deux ans, les participants lisent, approchent et critiquent, avec finesse et pertinence, l’oeuvre de ce grand monsieur du polar français. Cette rencontre à venir est possible grâce au partenariat avec la librairie La Machine à Lire dont l’implication auprès du monde carcéral n’est plus à démontrer et au SPIP des Landes qui travaille au quotidien à la mise en oeuvre d’actions culturelles de qualité et qui font sens.
La venue du créateur de personnages troubles autant qu’ambigus, à l’image du fameux commissaire Darlac dans Après la guerre, sera donc un temps fort de ces rencontres hebdomadaires autour de l’écriture. Et c’est aussi l’occasion pour moi d’évoquer le travail merveilleux que fournissent les participants de ce groupe d’écriture, pour beaucoup investis dans des projets d’écriture personnels, romans, romans graphiques, romans historiques, poésies, autobiographies.
On pourrait penser, vu de l’extérieur, qu’en prison un atelier d’écriture n’est qu’une activité pour passer le temps, une activité comme une autre en somme, pas plus. Mais chaque jeudi, lorsque je franchis les portes du centre pénitentiaire pour retrouver le dehors, ma réflexion est augmentée autant que ma culture. En deux ans, au cours de ces échanges autour de l’écriture, nous avons abordé tant de pans du travail de l’écriture : l’art de la description, l’intense investissement que demande la réécriture, la cohérence de l’intrigue, la place des paysages, la densité des personnages à mettre en mouvement, les genres littéraires, la tension entre réel et fiction… Et c’est un public d’une grande exigence auquel j’ai à faire, un public de grands lecteurs, intéressés par des sujets pointus, multiples. Cela, ces lectures intenses, je les constate chaque semaine, avec mes kilos de livres empruntés en bibliothèque à leur demande.
La prison, c’est vrai, est un monde de violences. Et cet espace où nous enfermons ceux qui ont commis crimes et délits est, de façon criante, le miroir absolu de notre société. Car ce qui se joue entre entre ces murs-là, d’un accompagnement ou pas vers un retour apaisé au sein de notre société dit beaucoup de notre vision du monde et de l’humain.
De cette traversée depuis deux ans, ce que j’en retiens moi, ce sont nos rires qui souvent emplissent le petit espace de la bibliothèque, le respect, oui, le grand respect dont les détenus font preuve à mon égard et la richesse de ces échanges qui ne se dément pas. Tout n’est donc pas aussi sombre qu’on voudrait bien nous le faire croire dans les lieux de l’ombre et des miradors et la question de la confiance que l’on accorde ou pas au potentiel de l’humain à se réinventer est encore et toujours très actuelle. Elle serait même le corollaire de l’engagement que nous acceptons d’avoir, pour tous ceux qui, de près ou de loin, sont soucieux de la culture et de ses bienfaits.
Pour l’heure, ce qui est certain, c’est qu’Hervé Le Corre aura à faire à un public avisé et bien présent !
Marion Coudert