Faire un pas de côté et regarder la Syrie avec Abdulrahman Khallouf

 

« Parfois il ne faut pas moins qu’une guerre pour se permettre la mémoire. »
C’est ainsi qu‘Abdulrahman Khallouf referme Ne parle sur nous. Chroniques syriennes.

Quand vous en serez là, à ces mots de mémoire et de guerre, vous poserez sans doute le livre sur une table de chevet ou dans le coin d’une étagère, et vous reprendrez le cours des choses et de la vie. Mais il vous restera ce goût des rues de Damas, de la chaleur des nuits sur les toits, de l’odeur des feuilles de tabac qui glissent en fils entre les doigts des mains et de la tendresse rebelle de l’enfance.

L’auteur, grandi de ses exils, a accepté de faire ce pas de côté auquel invite la collection*. Pour une traversée, douloureuse autant que lumineuse, dense intensément et légère et rieuse et amère.

Ici donc il fallait convoquer la mémoire pour revisiter une ville, Damas, et un pays qu’une guerre obscène dévore sans partage. Et faire se lever la parole, dans une langue qu’il fait sienne peu à peu, pour inscrire, au-delà de l’oubli, ces chemins empruntés par l’enfant qu’il était et tout ce que ses yeux ont engrangé de paysages, de visages et de scènes.

Ne cherchez pas, dans ce récit tout en nuances, des réponses arrêtées sur les conflits, les communautés et les raisons du présent si désastreux du pays du jasmin. Vous n’en trouverez pas. Mais vous ferez peut-être, avec le narrateur, cet essentiel pas de côté pour regarder la Syrie et son peuple avec les yeux d’un enfant pauvre de la communauté alaouite. Comment fait-on dès lors puisque l’on est de la même communauté que le clan dictateur mais que l’on lutte, enfant, pour sa survie, comme ses frères, comme ses parents ? Où situer le juste et l’injuste ? Comment apprendre la liberté alors que, bien souvent, tout pèse de misère et d’écrasement autour de soi ? Comment, pourtant, garder en creux, mélodie doucement indocile, l’idée de la beauté en toute chose ? Et comment avancer avec cette certitude qui finira par s’imposer qu’il y a mille vies à vivre et mille scènes à investir et des mots à faire vibrer et des frontières à éclater ?

Et peut-être alors, pris dans les beaux filets d’une écriture vive et claire, vous direz-vous qu’il n’y a qu’une réponse, au fond, à donner et à partager, une seule qui aurait un sens, ce fil tenu qui rend l’humain à l’humain.

Marion Coudert

Parution de l’ouvrage en mars 2017

*La collection Un pas de côté
Ceux qui voyagent et qui écrivent trouveront, avec cette collection, l’espace idéal tant qu’il s’agit d’amener le lecteur dans une géographie de la découverte. Ceux qui voyagent tout en lisant et aiment lire dans les paysages le sel des cultures différentes se laisseront prendre la main sans contrainte pour faire un pas de côté et voir dans le monde mille mondes à aimer.