Alep brûlée avec une sauvagerie méthodique, Homs ravagée sans pitié, Raqqa terrifiée au quotidien, Palmyre dévastée, manipulée. Damas suspendue, comme étouffée. La terre de Syrie, bleue et blanche, avec ses mille douceurs et ses matins que rien n’égale n’est plus qu’un long saignement. Une agonie. Si solitaire.
Longues, trop longues années de plomb et de feu que traverse le peuple syrien. Ce peuple si doux, aujourd’hui sans maisons, sans hôpitaux, sans essentiel. Effacées les écoles des enfants, pas de jardins publics non plus pour qu’ils s’inventent des jeux et des mondes et des rêves. Les jardins sont charniers désormais. La faim, l’exil, la terreur, la mort ou se soumettre. Seuls maîtres-mots. Seuls horizons.
Nous les regardons s’échouer sur nos plages, se briser à nos frontières, harassés de fatigues, bouleversés d’espoirs déçus.
Quelle victoire pour ceux qui, du haut de leurs avions ou vissés à leurs sièges, lancent leurs bombes, quelle victoire que de constater nos indifférences et nos portes qui se ferment. Sombre victoire de la rage… Dans le flot de nos silences, il y a pourtant des gens qui se lèvent, plus touchés que les autres par l’injustice immense et le désarroi et la douleur qui n’a plus de nom.
Une librairie, une vitrine. On pourrait se dire que ce n’est rien. Et que face au désastre, c’est bien peu. C’est bien peu. Mais c’est tant à la fois. Faire une place à la Syrie, à sa culture, à sa parole, c’est beaucoup. C’est un engagement. Fort. C’est un peu de l’âme de son peuple, ces roues de l’Oronte tout près de cet autre fleuve qui les veille et les accueille… Et avec elles, la mémoire de la terre, la grande histoire de ce grand peuple, les mots de la guerre. Et des mots pour l’espoir. Des mots et des images contre l’oubli.
Jusqu’au 23 mai 2016 (et même après, comme une bonne habitude à garder), vous pouvez franchir le seuil de la Machine à Lire à Bordeaux pour apprendre à connaître ou revisiter la Syrie d’aujourd’hui, celle d’hier et celle de demain, toujours à construire… Et puis, le 17 mai, à 18 h 30, si vous marchez le long de la Garonne, prolongez votre marche jusqu’à la place du Parlement pour une rencontre au pied des reines du fleuve rebelle, symboles d’un peuple debout. Malgré la rage.