Ne vous y trompez pas, Les tréteaux du matin. Enquête photographique et poétique sur les producteurs du marché Saint-Roch de Mont-de-Marsan n’est pas un livre régionaliste. L’enquête a eu lieu là, dans le Sud-Ouest de la France, de janvier 2015 à septembre 2017, voilà tout. Mais quand même, quelle belle terre à contempler, généreuse et patiente, lorsque l’on l’approche avec ceux qui la travaillent.
D’ailleurs, c’est sans doute cet ouvrage qui traduit avec le plus de justesse – jusqu’à présent du moins – l’esprit qui anime Ici et Là. Reportages Poétiques : une tentative de dire le monde qui nous entoure en prenant le temps, vraiment, de le regarder. Et, dans l’approche, cet engagement, âpre parfois, bénéfique toujours, de ne pas s’installer dans un mouvement trop confortable pour saisir chez l’autre la part de lumière, sa fragilité qui est aussi, d’une certaine manière, sa force, ce terrain pour l’humain, là où nous pouvons et devrions tous tenter de nous rejoindre.
Au fond, le reportage poétique c’est un peu comme un chemin de vérité et de simplicité que l’on se décide à prendre et qui nous invite à sonder nos propres visions pour les remettre en question, à déplacer certaines de ces lignes rouges qui obstruent nos regards et nos avancées. C’est ce que nous tentons de proposer aux auteurs qui préfèrent regarder que d’être regardés, donner à voir, en somme, plutôt que d’être vus. Et c’est ce que nous tentons en tant qu’auteurs (éditeurs et auteurs, c’est possible donc ?!).
Faire le marché mais avec les producteurs…
Les tréteaux du matin, au départ, c’est une cartographie à imaginer sans logique géographique mais appliquée à suivre le rythme des producteurs et les contraintes de l’image, pour inscrire des tracés multiples, sous tous les ciels des Landes, le long de l’Adour ou près de l’océan, en Chalosse, en Tursan, vers les Petites Landes ou le Bas-Armagnac, et plus loin encore en Gironde, vers le Bassin, en Pays Basque, dans le Béarn ou vers le Lot-et-Garonne.
Depuis le mois de janvier 2015, trois cycles de saisons se sont écoulés. Trois cycles de saisons pour l’image et le texte et au final, un panier délicieux, foisonnant de rencontres avec les producteurs, de saveurs et de gestes retrouvés, de paysages engrangés et revisités, de découvertes multiples de pratiques et de métiers intimement liés à la terre comme à l’eau, d’idées reçues déconstruites et d’émerveillements simples.
Dans le panier de cette récolte particulière, il faut rajouter une certitude. Confortée tout au long de ces rencontres : la fragilité de ces savoir-faire ancestraux et traditionnels qui, comme nos marchés familiers, sont aujourd’hui dans une situation très précaire. Le dire ce n’est pas alimenter une vision décliniste qui aurait pour objectif de regretter l’ancien monde pour demeurer, vaille que vaille, dans un univers poussiéreux que l’on soutiendrait dans sa lutte, dogme à la main, contre toute forme de modernité. Ces clivages-là qui y croit encore ? Envisager les lendemains compliqués dont la nature ne cesse de nous alerter permet déjà de s’éloigner d’une perspective binaire. Et puis, si vous passez ou vivez dans les villes de province de taille moyenne, il vous suffit de lever le nez ou de ne pas fermer les yeux pour vous rendre compte des amputations, des disparitions et des tristesses ambiantes… À vous de voir. Ou pas.
Dans ce livre de 272 pages, le texte invite à l’image qui, à son tour, invite le lecteur à pénétrer, sans a priori, dans l’espace éphémère mais hebdomadaire du marché Saint-Roch à Mont-de-Marsan et dans les lieux de travail des producteurs qui sont aussi, souvent, leurs lieux de vie.
Lorsque l’on quitte les fermes, les serres, les champs, les poulaillers, les bassins, les grands larges, les fours, les laboratoires, les frigos, les images vous reviennent. Elles vous rattrapent malgré le rythme qui reprend, vous enveloppent, comblent un vide que vous ne soupçonniez pas. Ils sont si beaux à regarder, si lumineux d’enseignement, ceux qui travaillent à la terre comme à la mer pour faire vivre nos marchés ordinaires.
L’image, ici, se tient volontairement en distance de la tentation, souvent constatée, d’une forme de caricature du monde rural. Il est même impératif d’être à rebours d’une certaine facilité d’approche pour réussir à traduire ce qui anime ces infatigables travailleurs. Car chez eux, pas de cravates ni de discours doctes ou redondants sur le sens de la vie ou la marche du monde. Pas non plus de grand clinquant dans l’approche, l’essentiel est ailleurs. Dans le rythme de leurs journées, dans les récoltes qu’ils conduisent à leur terme, dans la manière de dessiner leurs paysages, leurs jardins, leurs horizons, dans l’effort qu’ils imposent à leurs corps, dans cette rigueur que la nature leur apprend et dans ce qu’ils transmettent à ceux qui peut-être, un jour, prendront le relais.
Ainsi, lorsque vous aurez le livre entre les mains, vous croiserez Monique et Laurent qui cultivent la terre comme on brode une tapisserie, les merveilles d’Adrienne et l’exceptionnelle énergie qui anime cette dame de quatre-vingt-dix ans, les paysages extraordinaires du Bassin qui accompagnent le rude métier d’ostréiculteur de Fred, la courageuse aventure de Patrick et Cassandra dans leur nouvelle fromagerie, la boulangerie de Michèle et André qui ravit de pastis et de bons pains au jambon les clients fidèles, les bassins de la pisciculture d’Olivier nichés entre rivière et forêt, les serres joyeuses et amples de Marc, cet instant si particulier entre la nuit et le jour à la criée de Saint-Jean-de-Luz avec Dimitri et José. En tout, 23 lieux de production à découvrir… Et vous irez, bien avant le lever du jour un samedi matin, déplier les tréteaux avec les producteurs et colorer de vie et de mouvements le grand parking vide en semaine.
Et si, en refermant ce livre, vous vous dites qu’aller au marché vaut tellement mieux que de traîner dans les rayons agressifs des hypermarchés. Et si vous vous dites que cet espace-là et ceux qui le font vivre sont à défendre et à soutenir, alors c’est que nous aurons atteint notre objectif.
Avant d’aller voir ailleurs, la sortie du livre aura lieu dans les landes bien entendu !
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Le jeudi 2 novembre à la Villa Mirasol à 18h30 à Mont-de-Marsan pour une rencontre et une projection.
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Le vendredi 3 novembre, Villa Mirasol toujours de 17h00 à 19h00 pour une projection.
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Le samedi 4 novembre, vente du livre le matin sur le marché Saint-Roch.
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Le samedi 4 novembre à la galerie Ô Pêcheur de Lune à Saint-Sever pour le vernissage de l’exposition à partir de 18h30
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Le jeudi 14 décembre à la librairie le Gang de la clé à molette à Marmande pour une rencontre.
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Le samedi 16 décembre de 10h30 à 12h00 à la librairie Lacoste à Mont-de-Marsan pour une signature.
Et puis désormais, vous pouvez vous procurer nos ouvrages directement via notre site ou en nous contactant.
Marion Coudert
Images Nicolas T. Camoisson. Tous droits réservés.